C’est un nouveau travail personnel et intime sur mon père décédé d’une pneumonie liée à la maladie Parkinson. Un jour, la découverte de son simulateur cardiaque, cassé et brûlé lors de l’incinération de son corps, m’a incité à dessiner autour de ses mémoires tout en regardant mes archives photographiques et de vidéos prises pendant sa maladie. En effet, son pacemaker qui soutenait le rythme de son cœur m’a apparu alors comme une relique du passé et m’a donné la volonté de faire vivre sa présence au-delà de sa disparition.
Les trois étapes dans la réalisation
1. Dessin
2. Sculpture (modelage, moulage, assemblage, polissage)
3. Deux procédés de photographie alternatifs (Cyanotype et Van Dyke)
Retour au Paradis
Il s’agit d’un nouveau travail personnel et intime sur mon père. En effet, pendant trois ans, j’ai documenté et archivé (photographie et vidéo) sans avoir une idée précise l’évolution de son corps et de son esprit liée aux symptômes de sa maladie, tremblements, rigidités musculaires, ralentissements des mouvements et hallucinations. À la fin de sa vie, la raideur de ses membres était particulièrement marquée par des tensions excessives des muscles. Son corps était devenu de plus en plus immobile et dur comme un morceau de bois.
Sur le chemin de l’aéroport de Bordeaux pour la destination de Séoul, mon père est parti. C’était le 25 décembre 2019. La grande tristesse que j’ai eue en raison de mon absence lors de son dernier souffle m’a emprisonné dans des sentiments de culpabilité. Au bout d’un an et demi en 2021, j’ai pu ouvrir l’enveloppe dans laquelle étaient conservés quelques débris après incinération. J’y ai découvert un simulateur cardiaque cassé et brûlé. Ce pacemaker qui soutenait le rythme de son cœur m’a apparu alors comme une relique du passé et m’a donné la volonté de faire vivre sa présence au-delà de sa disparition. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à dessiner autour de ses mémoires en regardant mes archives photographiques et de vidéos.
Cette série s’articule autour de plusieurs points :
Donner un souffle à une autre vie, celle de l’au-delà
Avec une réflexion sur « Le cœur » stimulé par les débris du pacemaker « le souffle » affaibli par la maladie de Parkinson est devenu lui aussi au centre de mon projet photographique au travers de ma propre expérience au côté de mon père. Je me suis engagé à refaire respirer mon père afin qu’il existe toujours dans l’au-delà. S’il respire encore, cela sera grâce à la relation entre le cœur et les arbres que mes photographies établissent. Une transition vers un état futur dans l’au-delà. Ces rites personnels de deuil sont pour moi un processus d’acceptation progressive d’un lien entre la vie et l’au-delà, l’esprit et l’âme. Cela me libèrera de la tristesse qui accompagne mes sentiments éprouvés à la suite du départ de mon père.
L’arbre comme symbole des rapports qui unissent la terre et le ciel, le monde céleste et terrestre.
Dans la continuité de la série précédente réalisée entre 2007 et 2021 « Des hommes et des arbres », l’arbre s’érige en véritable axe du monde qui permet aux différentes parties de l'univers de se maintenir en harmonie. Apprécié pour sa puissance toute virile et sa capacité à tenir en équilibre entre ciel et terre, les arbres se dévoilent dans mon travail en un fragment de corps humain.
L’analogie des formes entre l’homme et l’arbre : veines, tissus musculaires, racines d’arbres.
En général, mon travail se révèle fortement imprégné d’une philosophie asiatique selon laquelle la nature et le corps humain forment des microcosmes dont chaque composante renvoie à une partie de l'univers. L’arbre, en est le symbole de la force cosmique et le pouvoir créateur dans les premières croyances. Ce projet « Retour au Paradis » se dévoile en une hybridation/transformation du souffle et du cœur afin d’oxygéner les fragments du corps, une main, le visage de mon père. Le tronc et les racines des arbres dans mon travail sont comme des vaisseaux sanguins qui amènent dans toutes les parties du corps l’oxygène des poumons gonflés par le souffle de la vie.
Le monde de Redon comme hallucination
Le monde onirique de mes photographies s’inspire directement de celui de Redon que j’apprécie beaucoup et pour lequel j’envisage une série photographique. Ce monde touchant l’inconscient symbolise les hallucinations causées par la maladie de Parkinson.
Les papillons blancs symboles de l’âme humaine.
En Asie, le papillon blanc incarne l’âme d’être chers décédés. L’âme du défunt transformée en cette apparence blanche se détache ainsi de son enveloppe corporelle. L’utilisation de papillons blancs dans mes photographies sera le signe de ces messagers de l’âme vers des proches toujours dans le monde des vivants.
L‘association des différentes disciplines artistiques
« Retour au Paradis » s’inscrit à travers du dessin, de la sculpture et de la photographie que j’ai appris grâce au soutien de mon père. C’est lui rendre hommage que de combiner ces différentes techniques artistiques. C’est une exploration intime, personnelle mais aussi universelle dans la relation entre père et fils.
Le choix de présenter cette série par des procédés anciens en Cyanotype (qui représente le ciel par sa tonalité bleue) et en Van Dyke (qui est caractéristique des images brun-rouge à marron comme la terre), a pour but de ne pas tomber dans et accentuer la perte d’un être cher comme dur et sombre. Avec ce projet, je souhaite créer un monde équilibré et harmonieux non seulement par différents médiums, mais aussi par différentes esthétiques.